mardi 14 mai 2013

La neutralité du Net, rabotée sous la carotte de l’exception culturelle

A lire sur:  http://www.pcinpact.com/news/79666-la-neutralite-net-rabotee-sous-carotte-l-exception-culturelle.htm

CNN<->loi de 86<->CSA<->Arcep

Le CNNum invite le gouvernement à légiférer sur la neutralité des réseaux

publié le 12/03/2013 à 15:53 - 10 commentaires
Une mesure discrète du rapport Lescure risque de faire grand bruit. Elle concerne les fournisseurs de service, comme les plateformes vidéo, qui accepteraient de prendre des engagements volontaires pour l’exception culturelle. Un acteur - même étranger, qu’il soit éditeur, distributeur ou hébergeur, accéderait à de juteux avantages… et parfois même en termes de priorité dans la gestion des débits.
ministère culture

Tu me fais un gros effort sur l’exception culturelle, je t’offre des tombereaux d’avantages ! C’est en résumé ce que voudrait Pierre Lescure : un système de donnant-donnant pour inciter les acteurs à des comportements jugés vertueux. Lever la main droite et cracher par terre ne suffiront pas.

L'intervention du CSA, omniprésent

Ces engagements et leurs contreparties seraient mis noir sur blanc dans une convention établie sous l’égide du Conseil supérieur de l’audiovisuel. « La logique du conventionnement est inhérente au fonctionnement du CSA, qui a pris l’habitude, dans ses relations avec les services linéaires, de moduler les droits et obligations des chaînes, notamment en fonction de leur chiffre d’affaires, de leur audience et de leur format ».

Le CSA chapeauterait ainsi cet accord donnant-donnant, tout en héritant des compétences de la Hadopi sur « la mission d'observation des pratiques culturelles en ligne » et la réponse graduée. Il y aurait en somme une forme de menu, avec une colonne engagements et une colonne avantages possibles.

Des engagements pour l'exception culturelle 

Quelques exemples d’engagement ? Les services de musique en ligne qui mettraient en œuvre des quotas d’exposition de la création européenne ou française sur leur page d’accueil. Ou encore Dailymotion qui souscrirait un engagement d'exposition d’œuvres avec des quotas de productions indépendantes ou de « nouveaux talents ». Les efforts pourraient être plus matériels : des contributions au financement de la création en pourcentage du chiffre d’affaires, des dépenses affectées à la numérisation pérenne des œuvres… Et même des tarifs sociaux (chômeurs, étudiants…) ou la gratuité d’accès (un film gratuit par mois sur un service de VàD...), ou des partenariats avec les bibliothèques, les médiathèques, les écoles et les universités.

ARCEP CSAP.161 du rapport, une "priorité dans la gestion des débits" 

De juteuses contreparties... notamment en terme de priorité dans la gestion des débits 

Qu’auraient à gagner les acteurs, les plateformes, etc. qui s’engageraient ainsi sur le terrain de l’exception culturelle ? Plein d’avantages ! Par exemple une priorité dans l’accès aux soutiens publics, voire un relèvement des taux et des plafonds d’aide. Ils pourraient aussi plus facilement accéder aux œuvres par un aménagement de la chronologie des médias pour les services de vidéo à la demande les plus vertueux (une VàD à 3 mois au lieu de 4, une VàD à la demande de 22 mois au lieu de 36 mois, etc.).

Mais une dernière mesure va faire du bruit : pour les plus « vertueux » des acteurs, la crème de la crème, « une priorité dans la gestion des débits pourrait même être envisagée, sous le contrôle de l’ARCEP et dans le respect des règles qui seront adoptées concernant la neutralité du net ». Page 161, on apprend que les services les plus généreux avec l’exception culturelle profiteraient ainsi d’une priorisation des débits volontaristes, profitant du coup d’une neutralité moins neutre que les autres acteurs !

Le CNNum, la neutralité et le CSA 

Pour le coup, le puzzle se rassemble. Rappelons que le CNNum préconise justement de rattacher le principe de la neutralité dans la loi de 1986 sur la liberté de communication, celle-là même qui est orchestrée par le CSA. Dans la proposition du CNNum, un alinéa à l’article premier affirmerait que « la neutralité des réseaux de communication, des infrastructures et des services d’accès et de communication ouverts au public par voie électronique garantit l’accès à l’information et aux moyens d’expression à des conditions non-discriminatoires, équitables et transparentes. » Il n’y aurait ainsi pas de discrimination illégale puisque les acteurs priorisés feront dans le même temps des efforts pour l’exception culturelle. L’ASIC avait justement critiqué le CNNum qui, par ce biais, tenterait de « légitimer une extension des pouvoirs du CSA sur les contenus diffusés sur internet. » Le pressentiment est ainsi conforté.

Autres avantages : obligation de reprise et de survalorisatrion

Le rapport Lescure propose aussi que les distributeurs (FAI, terminaux connectables, plateformes vidéo, magasins d'applications) aient « l'obligation de faire droit aux demandes de reprise émanant des éditeurs de services conventionnés, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires. ». Plus loin, le directeur du théâtre Marigny veut même que les offres de service public (Arte, France Télévisions, Radio France, etc.) soient survalorisées chez les nouveaux acteurs connectés, comme les interfaces des téléviseurs connectables, les sites de partage de vidéo communautaires, voire… les moteurs de recherche. Un levier que Lescure envisage même de généraliser quand il affirme que « les Etats devraient notamment pouvoir garantir aux services remplissant une mission d'intérêt général (telle la préservation de la diversité culturelle) une place privilégiée sur ces plateformes. »

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