mercredi 15 mai 2013

Vie du projet informatique - La phase de résiliation : les particularités du pré-contentieux informatique (3/3)

A lire sur:  http://www.infodsi.com/articles/140701/vie-projet-informatique-phase-resiliation-particularites-pre-contentieux-informatique-3-3.html

mardi 14 mai 2013
Le troisième et dernier des trois articles consacrés à la gestion de la relation contractuelle traite de la phase de résiliation d’un contrat informatique.

Au préalable, il convient de rappeler que ce n’est pas au moment de la survenance de la crise qu’il faut envisager les solutions mais dès le cadre de l’appel d’offre. Cependant, un projet en crise n’est pas un projet condamné : des solutions de sortie du conflit existent. Il vaut mieux éviter le contentieux judiciaire, mais si le règlement amiable échoue, il faut y être prêt.


1. Les précautions à prendre pour résilier un contrat informatique

• La constitution d’un dossier :
En amont de la crise, il est nécessaire de récolter le plus d’éléments possible. Tous les documents échangés sont une source d’information à analyser et recèlent des situations qui ne sont pas toujours transcrites dans les comptes rendus des instances de gouvernance du projet. Il en est ainsi de l’ensemble des courriels échangés, les courriers et télécopies, les procès verbaux de recette, même les notes internes.

• La mise en demeure préalable :
Le principe en droit français est qu’un contrat dont la durée a été fixée ne peut pas être résilié par anticipation.
Pour pallier ce principe, on insère des clauses dans les contrats qui fixent les modalités préalables à la résiliation et qui prévoient l’envoi d’une mise en demeure d’un délai suffisant pour permettre à la partie défaillante de remplir ses engagements.

• La lettre de résiliation :
Un soin tout particulier doit être apporté aux termes de la lettre de résiliation. Doivent y figurer les motifs qui constitueront le fil conducteur du procès et les références contractuelles aux engagements non tenus.

• La sauvegarde de la preuve informatique :
Il est nécessaire de se constituer la preuve de l’état dans lequel se trouvait le système d’information au moment de la rupture en faisant réaliser une copie du périmètre fonctionnel et technique du projet. L’objectif est de limiter les risques de discussions sur l’authenticité de la preuve et de permettre de rétablir l’environnement querellé si un expert judiciaire désigné par le jugevenait à le réclamer.
La question de la constitution de cette preuve est épineuse. La preuve, en apparence, est très accessible car les technologies de l’information laissent beaucoup de traces. Toutefois, si elle n’est pas réalisée dans l’état de l’art, elle ne sera pas exploitable devant un tribunal. Les exigences des juges sont de plus en plus fortes quant aux règles d’établissement de la preuve.


2. Le choix de l’expertise judiciaire : une décision stratégique

Un contentieux informatique passe par la démonstration des griefs invoqués par la partie s’estimant lésée. Le juge n’étant pas compétent pour apprécier les aspects techniques, il peut être opportun de lui demander de nommer un expert inscrit sur la liste de la Cour d’appel dont la juridiction dépend pour lui donner les éclairages techniques nécessaires.

• Les différentes procédures d’expertise judiciaire :
Il existe trois façons de faire désigner un expert judiciaire.
Soit dans le cadre de mesure conservatoire (article 145 du CPC), avant tout litige au fond, afin de conserver ou d’établir la preuve des faits dont pourrait dépendre le litige.
Soit en cas d’urgence (article 808 du CPC devant le Tribunal de Grande Instance ou article 873 du CPC devant le tribunal de commerce) dès lors que l’expertise est justifiée par l’existence d’un différend.
Soit, devant le juge saisi au fond de l’affaire, avant qu’il ne se prononce (article 232 du CPC).

• Les avantages de l’expertise judiciaire :
L’expertise judiciaire permet souvent d’éviter un long procès car elle met les parties face à une réalité technique qui peut les amener à transiger. L’expertise permet aussi parfois d’assurer le maintien de la preuve et de poursuivre le contrat.

• Les implications d’une expertise judiciaire :
On ne se lance pas dans une expertise judiciaire sans en évaluer l’impact. Si son coût et sa durée sont importants, la qualité et la disponibilité d’un équipe dédiée l’est tout autant : les personnes de l’entreprise qui ont participé au projet, un avocat spécialisé, un conseil technique voir les représentants de la compagnie d’assurance.
Toutefois, le résultat obtenu n’est pas toujours celui espéré : la qualité de la préparation des parties, la technicité du dossier, les prises de position de l’expert judiciaire désigné peuvent révéler de véritables fautes ou faiblesses qui n’étaient pas anticipées.


3. Les modes alternatifs à l’expertise judiciaire et au contentieux

Face à la lenteur de la justice, à l’aléa des décisions judiciaire et au coût de l’expertise judiciaire, tant la pratique que le législateur favorisent le développement de mode alternatif des litiges.

• La médiation :
La médiation est une procédure qui se développe beaucoup et que les juges proposent euxmêmes aux parties. Elle n’a pas de force contraignante. L’essentiel pour le médiateur réside dans l’art de la reformulation. Il ne détient aucun pouvoir sinon de rapprocher les parties à l’amiable.Les règles de la médiation sont très souples et dépendent de la convention des parties ou du règlement du centre d’arbitrage auquel les parties ont accepté de se soumettre. A l’issue de la médiation, chaque partie est libre soit d’accepter de se soumettre à la médiation, soit de saisir le tribunal compétent si la solution ne lui convient pas.

• L’expertise privée, ad hoc :
Lorsqu’un projet informatique se déroule mal, les parties peuvent demander à un expert d’évaluer les points de blocage et proposer des solutions correctives.
Cette procédure peut être prévue en amont par une clause insérée dans le contrat. Cette clause doit soit désigner des règles préétablies par un organisme, soit déterminer, a minima, le lieu, la langue et le droit applicable à l’éventuelle expertise conventionnelle. Il n’est pas rare que le nom de l’expert figure directement dans la clause. A défaut, les parties sont libres, tout comme pour la méditation, de déterminer les règles applicables.

• L’arbitrage :
L’arbitrage est une procédure usuellement utilisée dans les conflits internationaux ou d’une grande technicité. Le code de procédure civile décrit ses mécanismes de fonctionnement et les conditions de validité de la clause compromissoire à insérer dans le contrat. Le tribunal arbitral est composé d’arbitre en nombre impair. L’arbitrage aboutit à une solution tranchée qui s’impose aux parties. La décision peut ou non, selon ce que les parties en ont décidé, faire l’objet d’un appel. Les parties choisissent le droit et la procédure applicable, à moins qu’elle laisse le tribunal arbitral statué en amiable compositeur.


En conclusion, le contentieux informatique est un contentieux technique, complexe et coûteux, qui ne peut pas être envisagé sans préparation et sans une équipe ad hoc intégrant des professionnels de l’entreprise et des conseils extérieurs.


Retrouvez les premiers volets de la trilogie de la vie du projet informatique :
- La phase de négociation : la gestion des appels d’offre (1/3)
- La phase de suivi : une exécution difficile souvent à risque (2/3).


A propos de l'auteur
Avocat spécialiste du droit de l’informatique et des nouvelles technologies, Anne-Sophie Poggi, co-fondatrice du cabinet Derriennic Associés, crée vingt ans plus tard, en 2012, son cabinet « IT3 » dédié au droit de l’information, de l’innovation et de l’immatériel afin d’offrir un accompagnement juridique sur mesure en IT permettant de répondre aux nouvelles attentes des entreprises confrontées à une économie organisée autour du traitement de l’information et des données.
www.poggiavocats.com

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