jeudi 27 juin 2013

Internet, prospective 2030 : l’Internet des objets pour sauver l’Europe ?

A lire sur:  http://www.zdnet.fr/actualites/internet-prospective-2030-l-internet-des-objets-pour-sauver-l-europe-39791892.htm

Technologie : Face à la présence atrophiée de l’Europe dans le secteur de l’Internet, le Commissariat général à la stratégie et à la prospective tente de définir les innovations prometteuses sur lesquelles se positionner.
Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective vient de publier l’étude « La dynamique d’Internet : prospective 2030 », délivrée par une équipe pluridisciplinaire provenant essentiellement de Télécom ParisTech et de la Fondation internet nouvelle génération (FING).
Si l’exercice se nomme bien « prospective », l’équipe a bien insisté : les évolutions d’Internet sont tellement rapides et imprévisibles qu’ils n’ont pas prétendu peindre un scénario bien défini de l’état des choses en 2030, mais tenté de caractériser les grandes dynamiques. « Pendant dix ans le minitel n’a pas évolué et depuis quelques années nous changeons de système d’exploitation tous les trois mois » constatent-ils.
Dans ce domaine la règle reste l’imprévisible. « Nous voulions de voitures volantes, à la place nous avons eu 140 caractères » avait pour titre un rapport de Founder Funds, société d’investissement en capital risque.
Corriger le retard européen 
Les auteurs de l’étude partent d’un constat qui semble inquiétant. Ayant établi une liste des 64 premiers groupes internet, dont la valorisation boursière dépasse les 1,5 milliard de dollars, ils notent que 83% de la capitalisation est américaine, 9% chinoise, 4% japonaise et à peine plus de 2% européenne. Comme unique entreprises française citée, Vente-privée.com. Nous pouvons également noter les grands absents du tableau : l’Inde et le monde Arabe.
Plus gênant encore, il s’agit d’un marché très concentré entre des acteurs historiques datant du web 1.0 (à l’exception de Facebook). Une dizaine de firmes représentent 80% de la capitalisation boursière, ce qui génère des effets de prédation très forts. Dès que l’une de ces entreprises est légèrement à la traine technologiquement, elle rachète, grâce au crédit financier dont elle dispose sur les marchés, une jeune start-up innovante et pallie immédiatement son retard.
Ainsi, l’intérêt de l’exercice prend sens : face à cette sous compétitivité européenne, il s’agit de définir quelles sont les évolutions sur lesquelles l’Europe devrait se positionner pour corriger le tir.
L’internet des objets, fantasme futuriste ou industrie salvatrice ? 
Et finalement ceux-ci semblent avoir identifié le secteur salvateur : «l’IoT ou Internet of Things » ou objets physiques connectés en français. S’ils sont estimés aujourd’hui à 9 milliards, l’étude projette que ce chiffre sera multiplié par cinq d’ici 2020. L’idée d’une distinction entre un mode « réel » et « virtuel » relèverait d’une mythologie désuète d’après les intervenants.
Daniel Kofman, professeur à Télécom ParisTech, insiste sur une véritable révolution, en prenant pour exemple le secteur de la santé. Il présente une lentille de vue qui mesure le niveau de sucre dans le corps, un patch électronique greffé sous la peau qui mesure nos signaux vitaux ou encore des nanodispositifs de la taille de nos globules. Il projette ensuite en imaginant toutes ces technologies échangeant des informations avec notre smartphone qui les transmettrait automatiquement à un hôpital intelligent, à notre compagnie d’assurance ou encore aux ambulances en cas de déficience. « Le grand enjeu sera de créer des applications et plateformes transversales qui organiseront les communications entre ces objets hétérogènes. » conclut-il.
Interrogé sur la question de la sécurité, celui-ci concède que l’évolution de ces technologies est actuellement entravée par les risques de cyber-piratage. « Imaginez un hacker qui contrôle des machines qui influent sur les paramètres vitaux des individus ou qui détourne une voiture sans conducteur sur l’autoroute. »
Deux évolutions sensibles sont susceptibles de découler de cette émergence de l’IoT. Une généralisation du cloud, les données ne se situant plus dans les terminaux mais sur le réseau. La migration des données et des applications sur des serveurs distants serait rendue nécessaire face à la profusion d’objets communicants. Ensuite, le renforcement des technologies du big data permettant de traiter la multitude d’informations collectées à travers ces objets.
Si l’Europe ne possède pas d’avantage particulier sur ces secteurs potentiellement porteurs par rapport aux autres puissances géopolitiques, le rapport souligne la nécessité de les identifier au plus vite pour s’y positionner avant les autres et investir.
Un impact économique peu évident
Mais pour Laurent Gille, professeur à Télécom Paris Tech, l’impact économique d’internet reste peu évident à déterminer. Si certains par le passé ont affirmé qu’Internet pourrait prévoir les crises économiques, voir les annihiler, il suffit d’observer la situation actuelle pour conclure que ces prévisions sont restées lettre morte. Internet a même été la cause exclusive de déséquilibres boursiers en 2000, à l’époque de la bulle internet où le NASDAQ a chuté après avoir dépassé les 5 000 points.
Celui-ci rappelle le paradoxe du prix d’économie Robert Solow qui écrivait : « On voit des ordinateurs partout, sauf dans les statistiques de productivité. »
Dans les pays développés, il note que le secteur de l’Internet n’avoisinerait qu’entre 3% et 4% du PIB. Cette proportion qui reste très stable dans nos économies s’explique par deux phénomènes qui se compensent. En volume, la croissance est très forte mais une décroissance des prix de même ampleur vient annihiler le premier effet et immobilise la valeur qui reste ostensiblement plate.
Mais il reste très difficile de mesurer les effets indirects et non marchands d’internet. Une deuxième approche économique pourrait donc être de considérer les apports d’internet aux secteurs utilisateurs : réduction des coûts de transaction, amélioration du management et intensification de la concurrence grâce à une certaine visibilité et transparence.
Une législation harmonisée
Enfin, si la problématique suivante n’a été que peu évoquée au cours de la conférence, elle est présente dans le rapport et reste l’un des pans essentiels du débat : traduire sur internet les principes généraux du droit. Jusqu’alors Internet a pu bénéficier d’exemptions, sous prétexte qu’il s’agissait d’un monde « immatériel » mais son inclusion dans le monde physique via l’internet des objets pourrait bien être un aiguillon pour des législations plus harmonisées.
En France il n’existe pas aujourd’hui d’autorité qui se charge exclusivement des questions du numérique, Laurent Gille exprime la nécessité de mettre en place une telle institution qui pourrait permettre de s’accorder sur le statut juridique d’Internet.

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