dimanche 7 juillet 2013

Projet de loi consommation : la Fevad s'inquiète de certaines dispositions

A lire sur:  http://www.itrnews.com/articles/141886/projet-loi-consommation-fevad-inquiete-certaines-dispositions.html

Par crainte de heurter Bruxelles, les pouvoirs publics semblent prêts à adopter des mesures qui vont fragiliser inutilement le e-commerce, estime la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD) qui souligne qu'il s'agit là de l'un des rares secteurs encore en croissance et qui continue de créer de l’emploi. Si le droit de rétractation est tout à fait normal, souligne la FEVAD, le délai de cinq semaines ne répond à aucune loqique. De même, l’obligation de rembourser la commande avant même d’avoir reçu le produit en retour et la pénalité de 5 % qui en découlerait sont tout aussi contestables, poursuit la fédération. Voici le texte de son intervention qui tire le signal d'alarme.


Alors que le pays est en récession économique, que le chômage est au plus haut que la consommation tourne désormais au ralenti, l’Assemblée nationale vient d’adopter en première lecture le projet de loi consommation. Celui-ci comporte plusieurs mesures ayant pour objet de transposer la directive de 2011 sur les droits des consommateurs, en particulier dans le cas de vente à distance. Et certaines de ces mesures pourraient sérieusement compromettre un des seuls secteurs en France qui reste encore en croissance et continue de créer des emplois : les effectifs du e-commerce ont progressé de 11% en 2012, donnant lieu à plus de 9 000 nouveaux emplois et devraient à nouveau augmenter en 2013.

Au titre de la directive de 2011, le projet de loi vient renforcer certains droits reconnus en matière de vente à distance. C’est le cas notamment du droit de rétractation, c’est-à-dire le droit pour le consommateur de retourner le produit commandé et d’en obtenir le remboursement. Ainsi, le délai de rétractation actuel de 7 jours est porté à deux fois 14 jours : 14 jours pour notifier la rétraction et 14 jours pour retourner le produit.

Cette mesure, bien que coûteuse pour les entreprises françaises, notamment les TPE/PME, trouve sa justification dans la volonté d’aligner la norme européenne sur les régimes nationaux existants les plus favorables au consommateur. Elle permet d’offrir au consommateur un délai supplémentaire pour retourner le produit, qui n’est pas remis en cause par les professionnels, bien que le délai de 7 jours ait jusqu’à présent toujours été considéré suffisant pour permettre au consommateur de vérifier que le produit correspondait bien à ses attentes.

Mais contrairement à l’extension du délai de rétractation, certaines mesures issues de la directive, reprises à l’identique dans le projet de loi, ne présentent aucun fondement réel. Celles-ci auront, avant tout, pour effet de plonger les entreprises dans l’insécurité juridique, et de les exposer à des risques inutiles.


Un délai de rétractation pouvant dépasser les 5 semaines
La première des mesures concerne l’exercice du droit de rétractation en cas de commandes multi-produits. En pareille circonstance, la directive prévoit que si les articles ne sont pas tous livrés en même temps, le droit de rétractation débute à compter de la réception du dernier produit livré, et ce, quelle que soit la nature des produits commandés. A titre d’exemple, l’entreprise reçoit une commande pour un livre et un téléviseur ou encore pour un pantalon enfant et un chemisier femme. Elle s’aperçoit alors que l’un des deux produits n’est plus momentanément disponible en stock. Elle en informe le client qui accepte que le deuxième produit lui soit livré 7 jours plus tard. L’entreprise sera alors tenue d’accorder au client un délai supplémentaire de rétractation d’une semaine. Au total, le délai de rétractation pour le premier produit livré sera donc de 3 semaines, auxquelles viendront s’ajouter les deux semaines pour retourner le produit, soit un total de 5 semaines.

A ce jour, aucune justification n’est apportée pour justifier une telle extension du délai de rétractation au-delà du raisonnable. Cette règle, qui s’explique dans les cas où les deux produits commandés sont indissociables, ne répond à aucune logique lorsqu’il s’agit de produits sans rapport entre eux et conduit à étendre au-delà du raisonnable le droit de rétractation.

Dans un courrier adressé à l’Association Ecommerce Europe, la Commissaire en charge du dossier suggère aux entreprises, en pareil cas, de demander au client de passer autant de commandes que de produits, ce qui serait un non-sens pratique pour le consommateur.

De son coté, le Ministre de la Consommation, après s’être déclaré sensible aux préoccupations des professionnels sur cette question, semble aujourd’hui se retrancher derrière un courrier de la Commission européenne qui interdirait à la France toute adaptation ou clarification du texte de la directive.


L’obligation de rembourser la commande avant même d’avoir reçu le produit en retour
La deuxième mesure contestable dans la directive, et toujours reprise à l’identique dans le projet de loi, concerne les modalités du délai de remboursement.

Selon la directive, le site de e-commerce doit rembourser le client dans un délai maximum de 14 jours à compter du moment où ce dernier l’informe de sa volonté de retourner le produit. Le site dispose cependant de la possibilité de différer le remboursement au-delà des 14 jours, jusqu’à réception du produit ou de la preuve du renvoi du produit par le client, le premier de ces deux faits devant être pris en compte.

Concrètement, le client commande une tablette ou une montre de valeur. Au bout de 14 jours, il informe le vendeur de son souhait de ne pas conserver le produit. A compter de ce jour, le vendeur disposera alors de 14 jours pour rembourser le client. Il pourra cependant retarder ce remboursement, au-delà des 14 jours, jusqu’au jour où il reçoit le produit en retour ou de la preuve du renvoi du produit. En pratique, cela signifie que si la preuve de renvoi du produit arrive après 14 jours, le vendeur sera tenu de rembourser la montre ou la tablette le jour même, avant même d’avoir reçu le produit et avoir pu en vérifier le bon état.

Cette mesure paraît tout à fait choquante car elle expose de manière totalement inutile les commerçants au risque de fraude. En effet, pourquoi ne pas permettre au commerçant de récupérer son bien et d’en vérifier l’état avant de procéder sans délai au remboursement, comme le ferait n’importe quel commerçant. Naturellement, la loi doit protéger le consommateur contre les pratiques abusives ou déloyales. Mais elle se doit également de
protéger le professionnel contre les éventuels risques de fraude, plutôt que de les encourager.

Là encore, on ne peut qu’être frappé par le mutisme de la Commission européenne face à une menace prise très au sérieux par les entreprises du secteur, également dénoncée par l’association Ecommerce Europe qui regroupe plus de 4 000 entreprises à travers l’UE. Quant au gouvernement français, ce dernier semble malheureusement se retrancher derrière le texte de la directive, tout en indiquant comprendre les préoccupations des professionnels.


Une pénalité de 5% pour les commerçants qui attendent de recevoir le produit avant de rembourser
Comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement français a par ailleurs pris l’initiative d’ajouter des sanctions disproportionnées en cas de retard de remboursement. Selon l’article 5 du projet de loi, tout commerçant qui prendrait l’initiative d’attendre le retour du produit ou de la preuve du renvoi du produit s’exposera à une indemnité correspondant à 5% du montant de la commande. Concrètement, un client commande un ensemble home-cinéma. Au bout de 14 jours le client informe le vendeur de son intention de le retourner. 15 jours plus tard le vendeur reçoit la preuve du retour du produit. Il devra alors procéder au remboursement immédiat du client. En cas de remboursement le lendemain, le commerçant devra alors verser au client le montant de la commande, majoré de 5%. Cette pénalité s’applique de plein droit, c’est-à-dire de manière automatique, sous réserve, en théorie, des voies de recours que le vendeur pourra exercer contre le fraudeur.


La FEVAD regrette la passivité des pouvoirs publics français et demande au gouvernement d’agir
La Fevad avait dénoncé en son temps les deux mesures en question. Elle a depuis rencontré le Ministre et le Rapporteur du texte pour les sensibiliser aux craintes des professionnels, dont le Ministre a lui même reconnu le bien-fondé, devant la Commission des affaires économiques.

Pourtant, ni le gouvernement, ni le Rapporteur ne semblent aujourd’hui disposés à prendre les mesures correctives qui s’imposent. Tous les amendements déposés par les députés afin de limiter les répercussions des mesures en question ont fait l’objet d’avis défavorables de leur part. La seule initiative prise par le Rapporteur a été de réduire les pénalités de retard de 10%
à 5%, ce qui ne résout en rien la question de principe posée par l’application de la pénalité dans les conditions précitées.

La Fevad regrette la passivité du Ministre et du Rapporteur face aux préoccupations légitimes des professionnels. Elle rappelle, en outre, qu’il s’agit bien d’une directive et non d’un règlement européen. Or, une directive, contrairement à un règlement, permet juridiquement aux Etats une marge de manœuvre dans le cadre de la transposition. Contrairement à ce qui a pu être indiqué lors des débats, le fait qu’il s’agisse d’une directive d’harmonisation maximale, ne suffit pas à transformer la directive en règlement.

La Fevad demande en conséquence au gouvernement et au parlement Français de clarifier dans la loi française, les mesures issues de la directive qui, de l’aveu de tous, méritent de l’être. Notamment en ce qui concerne le fait de limiter la règle de l’indivisibilité des délais de rétractions aux cas où la commande comporterait des produits liés ou indissociables entre eux.

A défaut de vouloir résoudre les problèmes d’application soulevés par la directive dans la loi française, elle demande au gouvernement Français d’agir auprès des autorités européennes en faveur d’une interprétation sensée des dispositions concernées, en concertation avec l’ensemble des acteurs.

Enfin, la Fevad demande au gouvernement de corriger les problèmes relatifs à l’application des pénalités, pour lesquels le gouvernement ne saurait se retrancher derrière la directive car celleci en matière de sanction, laisse aux Etats le soin d’en fixer les modalités. La France semble d’ailleurs être aujourd’hui le seul pays à avoir fixé des sanctions de cette nature.

A cet effet, la Fevad demande que la pénalité de 5% ne puisse courir qu’après la réception effective des produits par le vendeur, conformément aux règles les plus élémentaires du commerce qui supposent que le vendeur récupère les biens et en vérifie l’état avant même de restituer les sommes versées.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire