dimanche 29 septembre 2013

La charge faible du proton : une fenêtre sur une nouvelle physique ?

A lire sur:  http://www.futura-sciences.com/magazines/matiere/infos/actu/d/physique-charge-faible-proton-fenetre-nouvelle-physique-49014/#xtor=EPR-17-[QUOTIDIENNE]-20130920-[ACTU-La-charge-faible-du-proton-:-une-fenetre-sur-une-nouvelle-physique--]

La mesure précise de certaines propriétés des particules à basses énergies permet de traquer de la nouvelle physique sans aller au-delà des énergies du LHC. On vient ainsi de réaliser pour la première fois une expérience mesurant ce qu'on appelle la charge faible du proton. Sorte de généralisation de la charge électrique avec la force électrofaible, la détermination précise de sa valeur pourrait trahir, d'ici quelque temps, la présence de nouvelles particules, comme le boson Z'.

Une vue de l'expérience de la Q-weak experimental collaboration. Elle a consisté à faire passer des faisceaux d'électrons fortement polarisés dans de l'hydrogène liquide. Déviés par les protons des atomes d'hydrogène, ces faisceaux sont sensibles à la charge faible de ces protons. L'existence et la valeur de cette charge découlent de la théorie électrofaible expliquant, entre autre, la radioactivité et pourquoi le Soleil brille. Un écart par rapport aux prédictions de cette théorie peut trahir l'existence d'une nouvelle physique. © Jefferson Lab

Le Tevatron et le LHC ont montré que le modèle électrofaible unifiant la force électromagnétique avec la force nucléaire faible était une description incroyablement précise du monde des particules élémentaires, quand on le combinait aux équations de la QCD, la théorie des forces nucléaires fortes. Ce qui pourrait paraître un extraordinaire succès est en train de tourner au cauchemar pour les physiciens théoriciens, qui attendaient tout le contraire : des prédictions invalides à hautes énergies, débouchant sur une nouvelle ère pour la physique.
Plusieurs pistes sont cependant poursuivies en dehors des collisions de particules au-delà du TeV, afin de pénétrer dans un nouveau territoire en bordure du modèle standard, celui rassemblant la QCD et le modèle électrofaible. L’une d’entre elles consiste à mesurer avec le plus de précision possible ce que l’on appelle la charge faible du proton. Certains des physiciens du Jefferson Lab en Virginie (États-Unis) s’occupent depuis quelques années de cette question, au sein de la Q-weak experimental collaboration. Ils viennent de publier sur arxiv les premiers résultats concernant les analyses des diffusions de faisceaux d’électrons polarisés.

L'hypercharge faible, une généralisation de la charge électrique

Pour comprendre ce que cherchent à faire les physiciens de cette collaboration, il faut savoir qu’en physique des particules, les propriétés de symétries des équations décrivant ces particules sont fondamentales (elles découlent de la théorie des groupes). Elles conduisent à des lois de conservation, comme celle de la charge électrique pour la force électromagnétique, et une généralisation étend cette notion de charge aux forces nucléaires. On peut ainsi associer une charge faible aux électrons et aux quarks, on l’appelle plus spécifiquement l’hypercharge faible.
Tout comme les charges électriques des quarks se combinent pour donner celles des protons et des neutrons, leurs charges faibles s’additionnent aussi pour donner une charge faible globale pour les nucléons. On avait déjà mesuré les charges faibles des quarks et des électrons, mais pas celles des protons, jusqu’à ce que l’expérience du Jefferson Lab soit réalisée.
Le prix Nobel de physique Sheldon Glashow a posé au début des années 1960 les bases d'une théorie unifiant la force électromagnétique avec les forces nucléaires faibles. Plus tard elle est devenue ce qu'on appelle le modèle électrofaible de Glashow-Salam-Weinberg. Il contient des généralisations de la charge électrique, dont la charge faible, plus correctement appelée la charge hyperfaible.
Le prix Nobel de physique Sheldon Glashow a posé au début des années 1960 les bases d'une théorie unifiant la force électromagnétique avec les forces nucléaires faibles. Plus tard elle est devenue le modèle électrofaible de Glashow-Salam-Weinberg. Il contient des généralisations de la charge électrique, dont la charge faible, plus correctement appelée la charge hyperfaible. © Nick Herbert
Deux problèmes devaient être résolus. Le premier est ancien. Il concerne la compréhension de la structure interne du proton qui, bien que composé de quarks, est très loin d’être aussi simplement décrit qu’un atome. Le problème est si difficile théoriquement que pour calculer la masse du proton, il faut utiliser des ordinateurs. De fait, ce sont surtout les expériences précédentes du Jefferson Lab qui ont permis d’y voir plus clair ces dernières années.
Le deuxième problème à résoudre était celui de la production de faisceaux d’électrons polarisés particulièrement stables. Les électrons ont un moment cinétique intrinsèque, le spin, relié à un moment magnétique. On peut les considérer comme des toupies aimantées en rotation. Mesurer la charge faible du proton en le bombardant d’électrons polarisés impliquait que l’immense majorité des électrons des faisceaux aient leur spin orienté dans la même direction.

Une charge hyperfaible presque nulle

D’après le modèle standard, les faisceaux d’électrons polarisés tombant sur des protons sont déviés selon des angles bien précis, en fonction de la charge faible du proton. Celle-ci vient d’être mesurée pour la première fois. Elle est presque nulle, en plein accord avec les prédictions du modèle standard.
Les chercheurs sont cependant très loin d’être découragés. En effet, seulement 4 % des données recueillies dans cette expérience ont été analysées. Or, plusieurs théoriciens ont fait remarquer depuis des années que la charge faible du proton était sensible à l’existence, dans les processus complexes de ce nucléon, des effets d’une nouvelle physique, comme la supersymétrie. On envisage aussi de tester de cette façon les prédictions de certaines GUT, voire d’y trouver des traces du mythique boson Z'. D’après les chercheurs, il faudra encore environ une année pour terminer d’analyser les données.

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