samedi 9 novembre 2013

Des chercheurs créent un biocapteur permettant la détection d'un pesticide

A lire sur:  http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/74247.htm

Des chercheurs de l'Institut de Physique de São Carlos (IFSC) de l'Université de São Paulo (USP), en collaboration avec des chercheurs de l'Université Fédérale du Mato Grosso (UFMT), ont mis au point un capteur biologique (biocapteur) qui détecte en quelques minutes la présence d'un pesticide hautement toxique dans l'eau, le sol ou les aliments. Ce pesticide, le méthamidophos (ou O,S-diméthyl phosphoramidothioate), est interdit depuis juin 2012 au Brésil en raison de son action nocive sur les systèmes neurologique, immunitaire, reproducteur et endocrinien. Il reste cependant utilisé dans certaines cultures, notamment dans les plantations de soja du Mato Grosso.

Selon les chercheurs, le capteur, développé dans le cadre de l'Institut National d'Electronique Organique (INEO, un des Instituts Nationaux de Science et Technologie soutenus par la FAPESP et le CNPq) [1], peut être adapté à la détection d'autres pesticides. En outre, le principe de fonctionnement du dispositif peut être réutilisé dans un nouveau dispositif de détection rapide de contamination par le virus de la dengue.

Nirton Cristi Silva Vieira, post-doc à l'IFSC et un des coordinateurs du projet de biocapteur et du test de détection de la dengue, précise que le méthamidophos est surtout utilisé dans les plantations de soja comme insecticide contre les chenilles et les punaises qui attaquent l'oléagineux. Le pesticide pénètre facilement le sol et les nappes phréatiques et, en contaminant l'eau et les aliments, agit sur le système nerveux central des êtres vivants en inhibant l'action de l'acétylcholinestérase (enzyme qui intervient dans le bon fonctionnement des liaisons synaptiques). Chez l'Homme, l'effet toxique du pesticide peut entraîner la mort.

En partenariat avec Francisco Eduardo Gontijo Guimarães, professeur de l'IFSC et directeur de thèse de Vieira, ce dernier a lui-même dirigé la thèse de Master d'Izabela Gutierrez de Arruda à la UFMT visant à développer un capteur rapide et portable permettant de mettre en évidence la présence de méthamidophos en utilisant justement l'enzyme acétylcholinestérase. Pour y parvenir, les chercheurs ont mis au point un capteur de pH (qui mesure la quantité de protons H+) formé d'une lame de verre, elle-même composée de couches de silice (oxyde de silicium SiO2) nanométriques (10-9 mètre) dans lesquelles l'acétylcholinestérase est introduite. En introduisant le capteur dans une solution contenant de petites concentrations de méthamidophos, l'activité de l'enzyme se retrouve inhibée entrainant ainsi une diminution de la production de protons par l'acétylcholinestérase.

Cette différence dans la production de protons par l'enzyme présente dans le capteur, lorsqu'elle est exposée à des concentrations différentes de pesticide, est mesurée par un petit appareil, également développé par les chercheurs, dans lequel on introduit la pellicule sensible du capteur. Similaire à un glucomètre utilisé par les diabétiques, l'appareil indique le taux d'activité de l'enzyme et, par conséquent, l'indice de contamination par le méthamidophos de l'échantillon analysé. L'appareil est étaloné par les chercheurs avec des mesures de tensions (différence de potentiel lié à la concentration en protons) pour différentes concentrations d'acétylcholine, neurotransmetteur qui joue un rôle important aussi bien dans le système nerveux central que dans le système nerveux périphérique et qui agit sur l'enzyme de façon similaire au pesticide.

Le chercheur Vieira explique qu' "à mesure que nous introduisions le capteur dans des solutions contenant des concentrations différentes de pesticide, l'activité de l'acétylcholinestérase (mesurée en terme de différence de potentiel, ou tension) variait et nous étions capable de la quantifier". D'après Vieira, le capteur peut être adapté afin de détecter d'autres catégories de pesticides de la famille des carbamates et des organophosphorés, à laquelle appartient le méthamidophos, qui eux aussi inhibent l'action de l'acétylcholinestérase. Les chercheurs doivent tout d'abord mesurer l'activité de l'enzyme dans différentes concentrations de chaque pesticide et étalonner ainsi le capteur. En effet, le signal électrique étalon pour les autres catégories de pesticides peut varier, car le mécanisme d'inhibition de l'action de l'enzyme est différent pour chaque pesticide.

D'après le chercheur, le biocapteur a déjà suscité l'intérêt d'une entreprise de biotechnologies du Minas Gerais pour une fabrication puis une commercialisation. Le coût de l'appareil, comprenant le capteur et l'unité de mesure, est estimé entre 100 et 200 reais l'unité (entre 30 et 60 euros).

Les chercheurs estiment que le composant pesant le plus sur le coût de fabrication est l'enzyme acétylcholinestérase elle-même. Afin de lui trouver un substituant, ils vont démarrer dans les prochains mois un processus leur permettant d'extraire des fruits, tels l'avocat ou la banane, un autre type d'enzyme aux propriétés similaires. Vieira précise : "nous achetons aujourd'hui l'enzyme purifiée, qui coûte très cher. L'idée est d'obtenir des fruits un extrait brut d'une enzyme à l'activité semblable à celle de l' acétylcholinestérase, afin de pouvoir l'utiliser dans la mesure des concentrations de pesticides."

Actuellement, les chercheurs indiquent que les analyses de contamination par les pesticides dans l'Etat du Mato Grosso sont envoyées vers São Paulo ou Rio de Janeiro et ont besoin de plusieurs jours pour être traitées. Avec le biocapteur, il sera désormais possible de diminuer à la fois le coût et le temps d'obtention des résultats. Le chercheur explique que : "pour analyser un échantillon de sol contaminé, par exemple, il suffira de le mélanger avec de l'eau pour décanter la terre, laisser le capteur immergé pendant 15 minutes dans la solution contenant le pesticide ainsi dissout puis finalement de le placer dans l'appareil de mesure pour obtenir le taux de contamination."

L'idée de développer un tel capteur, survenue lors d'une rencontre entre les chercheurs de l'IFSC avec leurs collègues de l'UFMT à l'INEO, a débouché sur le premier brevet déposé par l'université du Mato Grosso depuis sa création il y a 40 ans. Guimarães raconte que : "lors d'une des réunions annuelles de l'INEO, nous sommes entrés en contact avec un groupe de recherche de l'UFMT qui avait pour intention de développer un capteur de pesticide, le Mato Grosso étant l'Etat qui produit le plus de grains actuellement et qui donc utilise beaucoup de méthamidophos pour les récoltes." "A l'époque, Vieira menait justement des recherches sur les biocapteurs et nous avons donc décidé de commencer une collaboration avec le groupe de l'UFMT, dirigé par le professeur Romildo Jerônimo Ramos, afin de développer ce capteur de pesticides."

Détection de la dengue

Pendant son post-doc, Vieira a l'intention de mettre au point des biocapteurs qui utiliseront, non pas des enzymes comme c'est le cas pour le détecteur de méthamidophos, mais des anticorps pour la détection de protéines marqueurs d'une contamination par le virus de la dingue et d'un début d'infarctus aigu du myocarde.

En partenariat avec une entreprise brésilienne de biotechnologies, le chercheur a développé, avec l'aide d'une étudiante en Master de l'IFSC Alessandra Figueiredo et du professeur Guimarães, un système qui détecte la protéine NS1, secrétée par le virus de la dengue dans les premiers jours de l'infection. "Cette protéine revèle la présence du virus et, par conséquent, le début de l'infection.", nous explique le docteur Vieira. Selon lui, la majorité des capteurs existants, voués à la détection de l'infection par le virus de la dengue, fonctionne indirectement de cette façon, à l'aide d'un anticorps immobilisé qui se lie à la protéine NS1 et a besoin d'un anticorps secondaire, généralement marqué par d'autres molécules.

En utilisant un principe indentique à celui du biocapteur décrit dans cet article, les chercheurs ont mis au point un capteur qui devrait permettre une détection directe, et avec une meilleure précision, de la protéine NS1. "Le capteur pour la détection de l'infection par la dengue est en cours de brevetage. Nous n'avons pour l'instant pas de produit final", conclue Vieira.

Pour en savoir plus, contacts :   
- [1] http://www.ifsc.usp.br/~ineo/
- http://www.ifsc.edu.br/
- http://www.ufmt.br/ufmt/site/
   
Code brève, ADIT : 74247

Sources :
- http://www.usp.br/agen/?p=139072
- http://agencia.fapesp.br/17743

Rédacteurs : Loïc Le Gat - Chargé de mission coopération scientifique et universitaire - Institut Français du Brésil               

Origine : BE Brésil numéro 148 (4/11/2013) - Ambassade de France au Brésil / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/74247.htm

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