dimanche 9 février 2014

La justice américaine instaure un Internet à deux vitesses, l'Europe hésite

A lire sur: http://www.usine-digitale.fr/article/la-justice-americaine-instaure-un-internet-a-deux-vitesses-l-europe-hesite.N232832#xtor=EPR-169

Par  -

La justice américaine instaure un Internet à deux vitesses, l'Europe hésite © Verizon

La justice américaine a mis fin – temporairement ? – à la neutralité du net aux Etats-Unis en estimant que la FCC, le régulateur des télécoms, n'avait pas le pouvoir de réguler le secteur. Les fournisseurs d'accès vont pouvoir imposer leurs conditions aux créateurs de contenus, au risque de privilégier les acteurs les plus puissants. L'Europe doit encore se positionner.
Le débat sur la neutralité du net est relancé. La cour d'appel de Washington, saisie par plusieurs opérateurs dont le géant Verizon, a rendu un jugement controversé : elle dénie à la FCC, le régulateur américain des télécoms, le droit d'imposer ses conditions aux fournisseurs d'accès à Internet. Le régulateur se trouve donc dans l'impossibilité de réguler. En attendant qu'un recours soit déposé ou que le cadre législatif soit rénové, les FAI américains et opérateurs mobiles se trouvent donc en position de force.
En théorie, ils pourraient contraindre les fournisseurs de contenu à payer pour accéder à leur réseau, au motif de préserver la qualité de la connexion de leurs abonnés. Les services les plus gloutons en bande passante devront payer pour avoir accès au réseau. YouTube, Netflix, Hulu et consorts devront passer à la caisse auprès d'opérateurs tous puissants, ce qui va modifier en profondeur leur modèle économique. Les acteurs indépendants, de taille modeste, seront relégués sur les "routes départementales" de l'information quand les géants du web, aux moyens importants, auront accès à des autoroutes ultra-rapides.
MENACES POUR LA LIBERTÉ D'EXPRESSION
"Quand la neutralité du net est en danger, c'est la liberté d'entreprendre et de développement des services et la liberté d'expression qui sont menacés", s'inquiète Laure de la Raudière, secrétaire nationale de l'UMP en charge du numérique. "Ce qui se dessine, c'est un Internet qui n'est plus Internet. Un réseau privé qui fournit des services en fonction d'accord commerciaux, c'est l'inverse de la philosophie d'Internet" commente la députée.
TRANSPOSABLE EN FRANCE ?
Ce modèle de pay-to-play peut-il s'imposer en France et en Europe ? La France et la Commission européenne planchent depuis des mois sur un nouveau cadre réglementaire. Le contenu du projet européen, qui sera débattu en mars, est encore flou. Il garantirait la neutralité du net… mais prévoirait des exceptions. Une coalition d'organisations européennes a d'ailleurs lancé une campagne, baptisée "Save the Internet", visant à défendre un projet sans concession, pour une totale neutralité du réseau. 
"L'Europe semble hésitante sur la position à adopter", constate Laure de la Raudière. "Personnellement, je souhaite que l'Europe légifère pour garantir une neutralité du net sans dérogation. Mais s'il y a trop d'hésitations, autant garder le troisième paquet télécom qui contient déjà des dispositions pour garantir la neutralité du net. Je préfère un bon texte plus tard qu'un mauvais texte maintenant". 
L'EUROPE PEUT-ELLE SE DÉMARQUER ?
L'Europe, si elle garantit le principe de neutralité du net dans les prochains mois, peut-elle en faire un argument de poids pour tenter d'attirer davantage de champions émergents du numérique ? Le commissaire européen au numérique Neelie Kroes, dans un tweet, "invite les start-up américaines, désormais désavantagées, à venir en Europe où elles auront une vraie chance de réussir". Pas si simple, pour la secrétaire nationale de l'UMP en charge du numérique laure de la Raudière. "En dépit de la remise en cause de la neutralité du net, le cadre américain reste plus favorable aux start-up. Il faut prendre en compte tous les facteurs : financier, réglementaire, culturel…"
Le chemin est encore long pour faire de l'Europe un "start-up continent" plus attractif pour l'innovation que les Etats-Unis.
Sylvain Arnul

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire