lundi 24 mars 2014

Consolidation des Télécoms : quelles conséquences pour le marché ?

A lire sur: http://www.itchannel.info/articles/147171/consolidation-telecoms-consequences-marche.html
Jeudi 13 Mars 2014
Depuis l’annonce de la vente de l’opérateur SFR, les débats se concentrent sur le passage en France de quatre à trois opérateurs mobiles. Or, ce rachat aura également d’importantes conséquences sur tout le marché des Télécoms, notamment pour les opérateurs alternatifs d’ADSL. Et OVH d'appeller à la vigilance sur les conséquences pour le marché. L'impact pour les consommateurs ne sera pas non plus négligeable, souligne Mathieu Drida, Président Directeur Général de Meilleurmobile.com. Quant à l'Europe, la consolidation va permettre des économies d'échelles appréciables qui s'accompagneront accessoirement de gains de parts de marché notables...

SFR principal partenaire des opérateurs alternatifs
Avec plus de 5 000 nœuds de raccordement d’abonnés (NRA) sur le territoire national, SFR dispose d’un des plus grands parcs de NRA dégroupés et représente aujourd’hui la seule alternative sur le marché, à côté d’Orange, pour les opérateurs alternatifs d’ADSL (aucun autre opérateur de taille comparable à Orange ou SFR ne pratiquant la revente).
En effet, tout opérateur qui veut se lancer sur le marché de l’ADSL a deux possibilités : dégrouper les NRA ou passer par un opérateur de collecte. Cette dernière solution est bien souvent la plus simple pour des nouveaux venus sur le secteur, le dégroupage impliquant nécessairement une grosse capacité d'investissement.
OVH, FAI depuis 2010 touche les entreprises et les professionnels à travers des offres xDSL. Pour y parvenir et assurer une offre nationale, il a procédé au dégroupage de 180 NRA et s’appuie sur les opérateurs tiers de collecte (Orange ou SFR) là où il ne dispose pas de ses propres équipements. Aujourd’hui, sur le parc d’abonnés en collecte d’OVH, une part significative passe par l’opérateur SFR.

Un risque de blocage sur le marché de l’ADSL
Concrètement, l’acquéreur de SFR aura accès au plus gros parc de NRA ainsi qu’au réseau fibré qui permet le dégroupage. Il pourra ainsi redéfinir les règles d'accessibilité au marché de l’ADSL.
Dans le contexte de la guerre des prix sur l’ADSL lancée par Martin Bouygues, le rachat de SFR par Bouygues Télécom serait de nature à redistribuer les cartes. Celui-ci pourra en effet cadenasser le marché à son profit en jouant soit sur les tarifs de la collecte, soit sur celui de la revente de la fibre technique rendant la concurrence impossible pour les opérateurs alternatifs.
Cela concerne les offres d’ADSL grand public comme celles à destination des professionnels, un secteur sur lequel OVH est un des principaux acteurs et concurrents de Bouygues Télécom et son offre Bbox Pro.

L’arrivée des opérateurs alternatifs parmi lesquels OVH, a permis de dynamiser le marché de l’ADSL à destination des professionnels. « C’est la concurrence qui garantit l’innovation. Il nous apparaît essentiel de ne rien négliger dans les discussions actuelles sur les offres de rachat formulées par Altice (Numéricable) et Bouygues Télécom », affirme Octave Klaba, fondateur et CEO d’OVH.
OVH veillera à ce que cet aspect ne soit pas écarté dans l'enquête de l'autorité de la concurrence qui interviendra dans le processus du rachat.

L'impact sur les consommateurs
Dans le cadre des négociations exclusives entre Bouygues Telecom et Free concernant la cession de l'intégralite de son réseau mobile dans l'objectif d'acheter SFR, si les enjeux sont cruciaux pour les acteurs du marché des Télécoms, l'impact que cela va avoir sur les consommateurs n'est pas négligeable. Celui-ci est double. Une hausse des prix potentielle faute d'une concurrence suffisante, tout d'abord. La fusion de Bouygues Telecom et SFR entrainerait une réduction du nombre d'acteurs sur le marché des Télécoms et donc de la concurrence. Bien que la stratégie de Free repose sur des prix toujours plus bas, les consommateurs doivent s'attendre à une augmentation des prix pour le mobile. Le même cas de figure s'était présenté en 2010 sur le marché de l'ADSL : par manque de concurrence, l'offre ADSL de Free était passée de 29,90 euros à 36 puis 38 euros, emboîtant le pas à SFR.

Le changement de qualité de réseau, en second lieu. Cet accord reposant sur la revente du réseau de Bouygues Telecom à Free, les consommateurs abonnés à Bouygues Telecom vont automatiquement basculer sur le réseau de SFR et inversement, ceux de Free vont basculer sur celui de Bouygues Telecom. Il paraît évident que certains seront gagnants... et d'autres beaucoup moins ! Par exemple, la ville de Mantes-la-jolie est très bien couverte pas le réseau 4G de Bouygues Telecom mais ne l'est pas du tout par celui de SFR. Free apparaît donc comme le vrai gagnant de ce potentiel revirement de situation sur le marché des Télécoms, renforçant son réseau, notamment 4G, résume Mathieu Drida, Président Directeur Général Meilleurmobile.com.


La tendance ne devrait pas être différente en Europe 
Dans son dernier rapport consacré à la « Consolidation des télécoms en Europe », l’IDATE livre pour sa part son analyse et sa grille de lecture des conséquences de la dégradation des marchés des services de télécommunications en Europe qui engage les opérateurs à réfléchir à différentes voies de consolidation, en vue de réaliser des économies d'échelle et d'améliorer leurs parts de marché.

Pour Didier Pouillot, Directeur de la business unit Telecom Strategies : « Les récents projets de rapprochements dans les télécommunications en Europe, Hutchison-O2 en Irlande, 02-E Plus en Allemagne et beaucoup plus récemment en France autour de SFR, avec deux candidats à la fusion, Numericable et Bouygues Telecom, traduisent tous l'impérieuse nécessité pour une industrie en proie à d'importantes difficultés financières de se restructurer. Par l'attention portée à leur encontre par les autorités anti trust, ces mêmes projets apparaissent comme des opérations à haut risque pour l'équilibre des marchés.»

C'est donc sous des pressions contradictoires que le paysage se redessine progressivement. Dans sa dernière étude sur la consolidation des télécoms en Europe, l'IDATE, en se basant sur l'expérience récente du secteur dans la région et sur les enjeux auxquelles l'industrie est aujourd'hui confrontée, esquisse les voies de cette transformation, sans doute profonde."

Depuis quelques mois, en effet, l’Europe des télécoms trace les prémisses de ce qui pourrait devenir une véritable vague de consolidation et de rapprochements industriels, dont les premières manifestations remontent à quelques années, et qui semblent s'accélérer depuis la fin de l’année 2012.

Évolution des revenus des services télécoms en Europe (Millions EUR)

Source : IDATE, "World Telecom Markets" (AGR: Annual Growth Rate /Taux de croissance annuel))

Les différents moteurs qui tendent à amplifier ce mouvement sont bien identifiés: la dégradation de l'économie des opérateurs face à des marchés sous pression, un paysage industriel relativement atomisé, les besoins élevés de financement pour les réseaux de nouvelle génération, la convergence fixe-mobile, quelques incitations réglementaires, notamment en faveur du partage d'infrastructures. 

Mais dans le même temps, un certain nombre de freins ralentissent, voire contrarient, le cours des opérations. Ils sont d'ordre règlementaire également, notamment en ce qui concerne l'anti-trust. Comme la crainte des États de perdre une partie des contributions des opérateurs (impôts et taxes, dividendes des opérateurs historiques le cas échéant) ou celle de destruction de valeur pour les actionnaires, ainsi que des montages parfois difficiles à mettre en œuvre sur le plan technique.

Les tendances récentes sur le marché européen ont fait apparaître une multiplication des accords de partage d'infrastructures, des mouvements de consolidation nationale dans le mobile et une consolidation régionale dans le câble. En revanche, les méga-fusions transfrontières ne semblent pas à l'ordre du jour.

Selon l'IDATE, la consolidation sur les marchés européens va se poursuivre et s'étendre progressivement, d'abord vers des formes d'intégration de plus en plus fortes aux plans nationaux, puis élargir leur périmètre vers des mouvements transfrontières, à terme pan-européens.

La question se pose donc de savoir si la vague de consolidations transfrontières prendra la même forme et la même ampleur qu'à l'échelle des marchés nationaux et si les deux phénomènes se développeront en parallèle ou s'ils s'enchaîneront dans le temps. Concernant ce dernier aspect, on s'attend plutôt à ce que la consolidation nationale soit la priorité des acteurs du marché, puisqu'elle paraît dégager des bénéfices plus rapidement et plus facilement que les transactions transfrontières. L'intégration réussie de partenaires, réseaux et organisations, nécessite une attention particulière, limitant le nombre de transactions qu'un opérateur est capable de gérer à un moment donné. En conséquence, selon l'IDATE, les opérateurs devraient chercher à réaliser le potentiel de la consolidation nationale dans un premier temps avant de se lancer de façon plus ambitieuse dans les opérations internationales ou paneuropéennes.

Quelles perspectives pour la consolidation ?

Source : IDATE

Les différents types d’opérations ont des résultats opérationnels variables. Les « partenariats légers » visant à mettre en commun des services support n'ont, de manière générale, pas rencontrée de difficultés. Le partage d'infrastructures comporte souvent un niveau de difficulté supérieur, qui croît avec le niveau dans le réseau des éléments partagés, du génie civil aux équipements actifs. Enfin, les prises de participation et opérations de fusion, enfin, rencontrent des résultats plus aléatoires, du fait parfois des conditions posées par les autorités, mais aussi des difficultés d'anticipation sur les réactions des marchés, du côté de l'offre comme de la demande.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire