Cession des activités à faible valeur ajoutée pour assurer des marges plus importantes et rachat d’actions pour en soutenir le cours, telle est la stratégie que poursuit IBM. Jusqu’à quand ?
« Depuis l’annonce de ses Roadmap 2010 et Roadmap 2015, IBM s’est transformé en entreprise entièrement dédiée à la gestion financière. L’actif le plus important, ses salariés, s’est transformé en un simple moyen pour atteindre cet objectif. Le bénéfice par action est devenu le principal but de l’entreprise ».
Tel est le constat tiré par la fédération syndicale IBM Global Union Alliance dans une note intitulée « Calls for a reorientation of IBM » qui appelle clairement à un changement de stratégie ». Dans sa Roadmap 2015, IBM s’est donné comme objectif  d’atteindre un bénéfice de 20 dollars par action en 2015.
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Les résultats que vient récemment de publier Big Blue marquant le 8e trimestre de baisse consécutive du chiffre d’affaires. Sur une plus longue période, de 2000 à 2013, le chiffre d’affaires a augmenté de 13 %, soit moins de 1 % par an. Malgré cette quasi stagnation, la marge brute a augmenté de 32,4 milliards de dollars en 2000 à 48,5 mds en 2013, passant ainsi de 37 % à 48 % du chiffre d’affaires.  Cette progression a été possible grâce à une substitution d’activités à faible valeur ajoutée (vente de matériels appartenant à la catégorie des commodities comme les PC ou les serveurs d’entrée de gamme, le support…) par d’autres plus rentables comme le logiciel ou le conseil.
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Sans oublier ce que l’on appelle pudiquement l’optimisation fiscale. En 2007, le taux d’imposition avait été de 28 %, en 2013, il est tombé à seulement 15 %. Le cabinet d’analyses financières Seeking Alpha indique que si ce taux était resté au même niveau, le bénéfice par action aurait été de 9,50 dollars et non de 15 dollars.
Cette capacité à prédire assez précisément ses résultats avaient  jusqu’à il y a deux ans séduit les marchés financiers et l’action  n’avaient fait que croître. Mais depuis deux ans, le système semble voir atteint ses limites. Et de fait, l’action à décroché face aux valeurs des services technologiques.
Il faut aussi mentionner une autre composante importante de la stratégie d’IBM, la délocalisation des emplois vers des pays à main d’œuvre qualifiée mais bon marché. De fait, entre 2005 et aujourd’hui, IBM a massivement supprimé des emplois dans les filiales américaines et européennes pour en créer d’autres, principalement en Inde. La filiale indienne compterait quelque 120 000 salariés, plus qu’aux Etats-Unis où IBM emploie moins de 100 000 salariés. Sachant qu’il est désormais impossible de connaître les chiffres exacts dans la mesure où IBM ne communique plus depuis plusieurs années la répartition des emplois selon les régions. « Je ne crois pas qu’IBM soit une société américaine », expliquait récemment Alain Bénichou sur BFM TV, ne croyant pas si bien dire mais peut-être pas dans le sens qu’il indiquait. Certains parlent même d’Indian Business Machine pour désigner aujourd’hui la Compagnie.
C’est Sam Palmisano, CEO d’IBM de 2000 à 2012, qui a élaboré et mis en œuvre cette stratégie financière tout en déclarant en 2003 : « La plus grande invention jamais créée par IBM est l’IBMer ».
Et pourtant, les chiffres indiquent que le salarié est plutôt devenu la variable d’ajustement au service de cette stratégie que Gini Rometty poursuit depuis qu’elle est aux commandes de l’entreprise en 2012.
Depuis l’année 2000, IBM a généré un bénéfice net de 154 milliards de dollars alors que pendant la même période, elle a consacré 138 milliards de dollars en rachats d’actions (108 mds $), 30 milliards en dividendes. 90 % du bénéfice net a donc été consacré en rachat  d’actions et distribution de dividendes.
IBM qui se présente comme un champion de l’innovation – de fait, elle est toujours en tête en nombre de brevets déposés -, elle aura consacré 91 milliards en rachat d’entreprises et en investissements. Et de fait, IBM dégage de plus en plus de moyens à cette politique, quitte a augmenté l’endettement. Ce dernier a largement augmenté en passant de 33 milliards début 2013 à 44 milliards un an plus tard.
Cette évolution se traduirait dans le moral des troupes explique l’IBM Global Union Alliance. D’ailleurs IBM n’a pas encore publié le résultat d’une enquête sur le moral des employés réalisée il y a plus de six mois.
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