mercredi 14 mai 2014

Quid du numérique dans le partenariat transatlantique (TTIP) ?

A lire sur: http://www.informatiquenews.fr/quid-du-numerique-dans-le-partenariat-transatlantique-ttip-14238

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Alors que Le cinquième cycle de négociations commerciales UE-États-Unis (TTIP) aura lieu à Arlington (Virginie) du 19 au 23 mai 2014, le Conseil national du numérique (CNNum) fait part de ses inquiétudes et liste 22 propositions.Encore plus que dans d’autres domaines économiques, le constat est relativement simple. Dans le rapport qu’elle vient de remettre à la secrétaire d’Etat en charge du Commerce extérieur, le CNNum constate que les Etats-Unis ont jusqu’ici accordé plus de moyens sur les enjeux numériques dans la négociation, démontrant par là une asymétrie d’ambition et de stratégie avec l’Union européenne.
Les Etats-Unis disposent d’une avance commerciale et intellectuelle fondée sur une vision à long terme. Elle a été élaborée de longue date et appuyée sur des crédits notamment militaires, tandis que l’attitude suiviste de l’Union européenne lui a été gravement préjudiciable. Les Etats-Unis bénéficient d’une très forte synergie avec leurs institutions politiques et administratives. L’industrialisation du numérique y est plus aboutie qu’en Europe. Les capacités d’investissement y sont mieux mobilisées. L’ambition d’en faire un facteur de puissance est affichée. Les acteurs du marché américain disposent de moyens de développement commercial et d’investissement plus importants que leurs équivalents européens.
Dans le domaine du logiciel et de l’Internet, la domination américaine est écrasante et ne fait pas débat. Google, Facebook, Microsoft, LindedIn, Twitter, Yahoo, Amazon, Salesforce… La liste des réussites américaines serait longue. Cela alors que les compétences dans le numérique en Europe et en France sont de haute qualité.
Dans un tel contexte, le CNNum appelle à plus forte mobilisation pour construire une stratégie de négociation cohérente et coordonnée avec l’ensemble des Etats-membres.
Le volet numérique du projet de partenariat de commerce et d’investissement est crucial pour l’avenir de la société et de l’économie. Est-il nécessaire de rappeler l’importance que prend le numérique dans nos économies ? Le CNNum rappelle quelques chiffres évocateurs. En 2010, l’économie numérique représentait déjà 25% de la croissance de l’économie française : 700 000 emplois créés en 15 ans, auxquels devraient s’ajouter 450 000 nouveaux emplois d’ici 2015. La présence des entreprises sur Internet leur permet de doubler leur croissance et leurs exportations. En 2009, le numérique représentait 3,2 % du PIB français. Il est prévu que la filière atteigne 5,5% du PIB en 2015. Internet améliore les performances économiques des PME de près de 15 % en moyenne.
Dans le cadre des discussions entre l’Europe et les Etats-Unis dont on parle assez peu, « il est urgent que l’Union européenne, se dote d’une stratégie numérique et des moyens de la mettre en œuvre, met en garde Benoît Thieulin, Président du Conseil national du numérique. Ce projet de traité, s’il est mal négocié, risque de mettre en danger la capacité de l’Union européenne à réglementer dans le futur sur des sujets aussi cruciaux que la protection des données, la régulation des plateformes, ou encore la propriété intellectuelle ».
Dans ce rapport, le CNNum propose 4 axes stratégiques pour accompagner cette mobilisation :
1. S’appuyer sur les valeurs de l’Union européenne pour faire levier dans la stratégie de négociation
2. Garantir la capacité de l’Union européenne à réglementer et structurer son marché numérique dans le futur
3. Sortir du seul prisme de la relation entre les Etats-Unis et l’Europe pour aborder le numérique dans sa dimension internationale
4. Accélérer la construction d’une stratégie numérique européenne et renforcer les capacités “numériques” dans la négociation
Le CNNum recommande par exemple de mettre en place un comité de suivi opérationnel, constitué d’experts, juristes, membres de la société civile, et chargé de dessiner des positions numériques durables et adaptées aux besoins des PME européennes du numérique, qui présentent un fort potentiel de croissance et d’internationalisation.
Le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) est un accord commercial en cours de négociation entre l’Union européenne et les États-Unis.Il vise à éliminer les barrières commerciales dans de nombreux secteurs économiques afin de faciliter l’achat et la vente de biens et de services entre l’UE et les États-Unis.
En plus de réduire les droits de douane dans divers secteurs, l’UE et les États-Unis veulent s’attaquer aux obstacles existant derrière les frontières – comme les différences de règlements techniques, normes et procédures d’approbation. Ceux-ci coûtent souvent inutilement du temps et de l’argent pour les entreprises qui veulent vendre leurs produits sur les deux marchés. Par exemple, quand une voiture est déclarée sûre dans l’Union européenne, elle doit se soumettre à une nouvelle procédure d’homologation aux États-Unis, même si les normes de sécurité sont similaires.
Les négociations TTIP se pencheront également sur l’ouverture des deux marchés pour les services, l’investissement et les marchés publics. Elles pourraient également mener à l’établissement de règles mondiales sur le commerce.

Les travaux du CNNum par thèmesVolet numérique du projet de partenariat transatlantique (TTIP) : www.cnnumerique.fr/ttipEcosystème de plateformes : www.cnnumerique.fr/plateformesInclusion numérique : www.cnnumerique.fr/inclusionNet Neutralité : www.cnnumerique.fr/neutraliteEducation : www.cnnumerique.fr/educationFiscalité : www.cnnumerique.fr/fiscaliteSanté : www.cnnumerique.fr/sante
Les 22 recommandations du CNNum
1. Propriété intellectuelle
  • Recommandation 1 : Veiller à ce que tout renforcement des droits de propriété intellectuelle ne se réalise pas au détriment de la protection du domaine public, essentiel à l’innovation, à la créativité, et à l’intérêt général.
  • Recommandation 2 : Ne pas renoncer à la capacité européenne à réglementer en matière de propriété intellectuelle dans le futur et, à minima, préserver la réglementation européenne de protection du logiciel par le droit d’auteur.
  • Recommandation 3 : Préserver le principe de non-brevetabilité des découvertes scientifiques fondamentales, malgré le développement technologique en la matière.
  • Recommandation 4 : Renforcer la protection des indications géographiques afin de permettre, dans un second temps, le développement serein des noms de domaine.
2. Protection de l’investissement
  • Recommandation 5 : Préférer le recours aux juridictions nationales pour la résolution des différends entre investisseurs et États.
3. Marchés publics
  • Recommandation 6 : Instaurer une réciprocité d’accès aux marchés publics américains et européens.
  • Recommandation 7 : Veiller à l’adoption de dispositions permettant aux entreprises européennes de proposer des produits étrangers lors d’appels d’offres publiques émis par l’Administration fédérale américaine.
  • Recommandation 8 : Étendre le mécanisme américain de favorisation de l’accès aux marchés publics pour les petites et moyennes entreprises américaines aux petites et moyennes entreprises européennes. A défaut, l’Union européenne devra se réserver la possibilité de la mise en oeuvre d’un dispositif équivalent bénéficiant aux petites et moyennes entreprises européennes (i.e. Small business Act européen).
4. Concurrence
  • Recommandation 9 : Assurer une convergence réglementaire garantissant des conditions de level playing field pour les opérateurs de télécommunications.
  • Recommandation 10 : Préserver la capacité des États et de l’Union Européenne à faire évoluer la réglementation concernant les acteurs du numériques notamment les OTT afin d’établir un level playing field sur toute la chaîne de valeur.
5. Données
  • Recommandation 11 : Privilégier dans un premier temps l’élaboration d’un cadre européen de libre circulation des données, permettant une protection effective des données à caractère personnel.
  • Recommandation 12 : Préserver la capacité de l’Union européenne à légiférer en matière de régulation des données.
  • Recommandation 13 : En cas d’adoption du principe de libre circulation des données (“crossborder data flow”), prévoir des exceptions à la libre circulation des données équivalentes aux dispositions de l’article XIV de l’AGCS et exclure du champ d’application les données relatives aux domaines sensibles de la santé, de la cybersécurité, et de la finance.
6. Convergence réglementaire
  • Recommandation 14 : Privilégier la convergence réglementaire de l’Union européenne afin de renforcer le marché et pouvoir négocier un partenariat transatlantique dans une position plus favorable à ses intérêts.
  • Recommandation 15 : Se préserver la possibilité de légiférer sur des questions cruciales touchant au numérique.
  • Recommandation 16 : Renforcer une coopération entre organismes de normalisations européens et américains.
  • Recommandation 17 : Privilégier une harmonisation réglementaire à travers un renforcement des instances internationales de normalisation plutôt que les reconnaissances mutuelles.
  • Recommandation 18 : Néanmoins, si les négociations devaient aboutir à des reconnaissances mutuelles, celles-ci devront se réaliser dans les conditions suivantes :
-          mise en place d’un groupe de travail au niveau de la France et de l’Union européenne constitué d’industriels, d’associations et d’organes administratifs afin d’identifier les normes à harmoniser en priorité.
-          reconnaissance au cas par cas et strictement encadrées ;
-          reconnaissance des moyens d’évaluation de la conformité des normes ;
-          amélioration du niveau des normes (i.e. pas de nivellement par le bas).
  • Recommandation 19 : Faciliter la délivrance de visas temporaires professionnels afin de faciliter la mobilité et la coopération des acteurs américains et européens dans le cadre de leur développement commercial.
7. Commerce électronique
  • Recommandation 20 : Pousser à l’adoption de la réglementation européenne relative à la protection du consommateur en matière de commerce électronique.
  • Recommandation 21 : Refuser l’introduction de la notion de « produits digitaux » dans le cadre du TTIP.
8. Cybersécurité
  • Recommandation 22 : Exclure la cybersécurité du TTIP.

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